top of page

Quelle influence régionale pour la Jordanie ?

Géographiquement limitée à l’ouest par Israël, au sud-est par l’Arabie Saoudite, à l’est par l’Irak et au nord par la Syrie, la Jordanie semblerait insérée dans une zone sismique des relations internationales. Alors, quelle est l’influence régionale de la Jordanie ? Quel rôle occupe-t-elle dans une région aussi tourmentée ?

SITUATION DE LA JORDANIE

Avant d’étudier la place qu’occupe la Jordanie dans cette région d’instabilité accrue, il convient de cerner quelles sont ses caractéristiques.

Premièrement, il s’agit d’un pays très vulnérable économiquement. Si, certes, dans les années 2000, la croissance économique était plutôt vigoureuse et si l’accès à l’éducation et la dépense publique par élève est sont assez élevés, depuis 2008, le rythme de croissance de l’économie jordanienne a été divisé par deux. Ce décrochage impacte particulièrement l’emploi : seulement 36% de la population en âge de travailler occupe un emploi. De plus, le déficit budgétaire représente 90% du PIB en 2013. Notons aussi que la Jordanie, dépourvue de ressources pétrolières et gazières, importe 97% de ses besoins énergétiques. Elle est donc extrêmement dépendante des chocs extérieurs et menacées par la volatilité des coûts.

Outre l’aspect économique, les préoccupations environnementales sont prépondérantes. En effet, la Jordanie est face à un enjeu majeur pour le Moyen-Orient : la rareté de l’eau. Effectivement, un jordanien a seulement accès à 150m3 d’eau par an. De plus, cette ressource est très mal utilisée puisqu’elle est principalement allouée à l’agriculture alors que ce secteur ne représente que 3% du PIB et n’emploie que 5% de la population active.[1]

La Jordanie est également confrontée à de nombreuses tensions au sein de son propre territoire. Par exemple, la surreprésentation des grandes familles et la très petite place laissée à l’opposition sont des facteurs à l’origine de profondes escarmouches. De même, le fort chômage, les problématiques liées au manque d’eau ainsi que le bouleversement lié aux révolutions arabes créent un environnement propice à l’expression des contestations. Ce contexte tendu est l’occasion pour le peuple jordanien de réclamer des réformes de fond.

Malgré ces difficultés internes, la Jordanie bénéficie d’un certain hard power puisqu’elle est membres de plusieurs grandes organisations internationales comme l’Organisation Mondiale du Commerce, l’Organisation des Nations Unies ou l’UNESCO. Son site historique de Pétra est également reconnu au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.

LA JORDANIE : UN ÉTAT TAMPON DANS UN ENVIRONNEMENT RÉGIONAL TOURMENTE

De part sa localisation, la Jordanie est au cœur des conflits les plus brûlants qui agitent le monde arabe. Il s’agirait désormais de savoir quelles relations la Jordanie entretient avec ses voisins. Quel rôle joue-t-elle au sein de cette région sismique des relations internationales ?

D’abord, il semblerait qu’une paix glaciale se soit installée entre Israël et la Jordanie. Effectivement, la Jordanie est un des rares pays arabes, avec l’Egypte d’Anouar El Sadate à avoir signé un traité de Paix en octobre 1994 avec Israël. Cependant, cet accord ne semblerait pas traduire la volonté de la majeure partie de la population israélienne. Une partie du parlement jordanien l’a également remise en cause. Ce processus de paix semble cependant assez fragile : en octobre 2018, le roi Abdallah II a refusé de reconduire deux annexes du traité qui prévoyait la mise à disposition des terres sous souveraineté jordanienne Baquoura et Ghoumar à des fermiers israéliens pour 20 ans. De fait, depuis le 10 novembre 2019, les Israéliens n’ont plus accès à ces territoires. Les relations avec Israël semblent tout de même tendues comme en témoigne l’hostilité de la population jordanienne suite à un certain tournage Netflix où les rues d’Amman devaient représenter celles de Tel Aviv.[2]

En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, la Jordanie constitue une ligne de front entre l’État hébreu et le monde arabe. Elle a notamment été impliquée en 1948 quand les arabes ont envahi la Cisjordanie en réaction à la création d’Israël. De même en 1967 quand Israël envahit la Cisjordanie pendant la guerre des six jours.[3] Son attitude constructive et impartiale à l’égard du conflit israélo-palestinien en fait un des acteurs majeurs du processus de paix au Proche-Orient. Surtout, elle devient la principale terre d’accueil des réfugiés palestiniens. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la population palestinienne représente 60% de la population totale et les trans-jordaniens sont, démographiquement, une minorité du pays. L’afflux des réfugiés palestiniens a naturellement posé des difficultés d’intégration et a rendu plus complexe la construction d’une identité nationale.[4]

Et concernant la Syrie et l’Irak ? L’Irak constituait, avec la Syrie, le principal débouché économique de la Jordanie. La seconde guerre du Golfe, la guerre civile et l’émergence de Daech sur le territoire irakien ont provoqué l’arrêt des échanges économiques entre les deux pays. La fermeture de la frontière irako-jordanienne en témoigne.[5] Ces conflits qui divisent le sol irakien provoquent aussi un afflux considérable de réfugiés irakiens, notamment de minorités religieuses persécutées par Daech, sur le sol jordanien. La guerre civile en Syrie a fortement impacté son pays voisin. La croissance de l’économie jordanienne s’est considérablement ralentie suite à la fermeture du marché syrien. L’ouverture de la frontière jordano-syrienne le 15 octobre 2018 résonne comme une bouffée d’oxygène pour la Jordanie qui pourra dynamiser ses exportations agricoles.[6] De plus, le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés affirme que les réfugiés syriens en territoire jordanien seraient 700 000 environ.

Qu’en est-il des relations qu’elle entretient avec les monarchies du Golfe ? Ces dernières ont besoin que la Jordanie soit stable de peur que les éventuels mouvements de contestation par lesquels elle serait traversée menacent la légitimité des régimes monarchiques de la région. En d’autres termes, les monarchies du Golfe sem