Les migrations féminines au départ de l’Afrique Subsaharienne
Dernière mise à jour : 9 févr. 2022
Quand l’expérience des femmes se fait miroir d’un enjeu international Mentions légales : Ce travail n’engage que son auteur. L’AISP/SPIA, la FNAME-OPEX et l’Académie Internationale de la Paix ne peuvent pas être tenus responsables de son contenu.
Par Julia Mouton, étudiante à l'université Jean-Moulin Lyon III, Junior Analyst LVJ-ADLP

Les mouvements migratoires ne cessent d’être au cœur de l’actualité, tantôt réprouvés, tantôt soutenus (manifestation « Toutes aux frontières » à Nice le 5 juin 2021 par exemple). Si tel n’a pas toujours été le cas, leur étude vient aujourd’hui se croiser avec la pensée féministe, tout particulièrement son courant intersectionnel. Nombreux.ses sont les chercheur.ses qui ont consacré des articles et des ouvrages à ce thème croisé : Linda Guerry, Camille Schmoll, Mirjana Morokvasic. Il s’agira ici de tenter d’accéder à une approche multi-thématique des expériences migratoires féminines. Se concentrer sur les femmes originaires d’Afrique Subsaharienne permet un horizon d’étude varié, donc plus réaliste, du fait de la pluralité des flux de la région.
Dans quelle mesure l’expérience migratoire des femmes d’Afrique Subsaharienne est-elle le reflet des enjeux internationaux des migrations ?
En l’absence de sources de première main sur l’expérience de ces femmes, cet article vise prioritairement à identifier les caractéristiques majeures du phénomène des migrations féminines en Afrique Subsaharienne, dévoilant un enjeu international (I). Nous compléterons ensuite l’analyse en regardant ce parcours comme un combat perpétuel pour les femmes, dessinant la situation pressante qui est la leur. (II)
Comprendre au mieux le phénomène de migration féminine au départ de l’Afrique Subsaharienne
Les mouvements de départ à long terme: entre disparités et diversités
Les flux migratoires sont caractérisables par une variété d’éléments : les acteurs et actrices multiples, les motivations des migrants et migrantes, etc. Cette diversité permet d’affirmer que la migration n’est pas un phénomène uniforme.
D’abord, les motivations poussant au départ sont multiples, et ne se limitent pas aux facteurs sécuritaires. Les migrations économiques et professionnelles en sont un bon exemple, allant de paire avec un certain exode des cerveaux. Selon l’ONU, en 2000, au Ghana, il y avait deux fois plus d’infirmières qui partaient que de nouvelles diplômées. Les raisons recensées étaient alors plurielles : « surcharge de travail, bas salaires, maigres perspectives de promotion, manque d’appui de la part de l’administration et relations de travail insatisfaisantes».[1]
Les migrations des jeunes filles d’Afrique Subsaharienne peuvent aussi être expliquées par un phénomène d’imitation des aînées, qui entretiennent à leur retour un mythe autour de la ville. Celles-ci peuvent aussi chercher un gain d’autonomie ou sont influencées par « une nouvelle approche de la consommation »[2], tel est le cas de l’aire ethnique des Bwa. Ce groupe illustre aussi les motivations familiales : les jeunes épouses Bwa immigrent dans le village du conjoint. Par ailleurs, la migration est culturelle pour certains peuples nomades d’Afrique, à l’instar des Peuls. Enfin, les dégradations environnementales poussent elles aussi aux déplacements de population.[3]