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Le Liban face au terrorisme : état des lieux d'une situation précaire

Suites aux explosions qui ont meurtri le Liban, plusieurs voix se sont élevées pour demander la mise en place d’une commission d’enquête sur le rôle du gouvernement dans cet évènement tragique. Dans ce contexte, l’ancien ministre de la Justice Ashraf Rifi a demandé que la personne qui s’occupe de l’enquête soit davantage protégée de peur qu’elle soit prise pour cible par le « groupe terroriste libanais du Hezbollah »[1]. Cette agitation politique met au premier plan un débat qui divise de longue date : le Hezbollah est-il un groupe terroriste ? De manière générale, quelle est la situation du Liban face à la menace terroriste ?

Puisque le sujet est familier et d’actualité, on pourrait penser que définir ce concept clé qu’est le terrorisme est inutile. Pourtant, la définition d’un tel concept est porteuse de réels enjeux : en effet, en politique, parler c’est agir. De fait, utiliser un mot aussi poignant pour disqualifier un adversaire suppose, inévitablement, un affrontement. Nous allons alors tenter de cerner ce concept bien qu’aucune définition réellement consensuelle n’existe. Toutefois, nous pouvons tout de même noter que le terrorisme est lié à un lieu : la ville. Il a un rapport étroit avec les médias : les actes terroristes visent à être médiatisés pour amplifier le sentiment de terreur au sein de la population. Effectivement, cette dernière constitue la principale cible des actes terroristes.[2] En d’autres termes, selon les mots d’Isabelle Sommier, il s’agirait d’une stratégie délibérée de violence aveugle frappant la population civile selon un principe de disjonction entre les victimes directes de l’attentat et la cible politique visée (état et pouvoir).

En somme, le Liban est-il moins impacté aujourd’hui par la menace terroriste ?

Nous verrons que si le pays du Cèdre apparaît plus stable (I), cette stabilité acquise ne semble être qu’un trompe-l’œil (II).

FACE AUX MENACES TERRORISTES : UN PAYS PLUS STABLE

Le Liban a été le théâtre de nombreuses attaques terroristes perpétrées par des groupuscules différents que nous allons tâcher de cerner.

En effet, rappelons-nous qu’en 2007, de virulents combats ont opposé l’armée libanaise et le Fatah-al-Islam, suite à une série d’attaques contre les forces de l’ordre et l’armée commise dans le nord du pays ainsi qu’à un attentat à la voiture piégée dans les quartiers est de Beyrouth.[3] Pour cerner qui a réellement été l’ennemi de l’armée lors de ce conflit, revenons sur le fatah-el-Islam. Apparu en 2006 par une scission du Fatah-Intifada, le Fatah-el-Islam affirme qu’il œuvre pour la libération de Jérusalem et que cette dernière ne peut se faire que par l’islam. Si, en apparence, il s’inscrit dans le continuum de la lutte palestinienne, en réalité, l’établissement d’un émirat islamique au nord du Liban semble être son objectif principal. En témoigne la constitution de cellules en divers points de Tripoli : cette stratégie s’inscrit dans la logique militaire de prise de contrôle au meilleur moment. Chaker al-Absi ambitionnait, en effet, de prendre le pouvoir laissé par l’effondrement supposé de l’État libanais. A noter que l’idée d’installer un état islamique n’est pas nouvelle : de 1983 à 1986, la milice du Tawhîd dirigée par Saïd Chaaban avait imposé un ordre islamique à ses habitants.[4]

D’autant plus, c’est en 2014 que Daech s’implante officiellement au Liban, lorsque des combattants rebelles prêtent allégeance au groupe terroriste. De la même manière, en 2014, l’EI et la branche syrienne d’Al-Qaïda, kidnappent 30 soldats et policiers libanais. Parmi eux, neuf hommes sont encore aux mains de Daech.

L’engagement du Hezbollah dans la guerre de Syrie ajouté à la progression de l’État islamique a rendu le Liban de plus en plus exposé aux actes terroristes. Citons, par exemple, l’enchaînement d’attaques à la voiture piégée qui se sont déroulés dans le banlieue sud de Beyrouth entre 2014 et 2015. Notons également que le 12 novembre 2015, un double attentat organisé par l’EI à Bourj el-Brajneh fait 43 morts et plus de 200 blessés. Selon Hussein Abdallah, il s’agissait de « l’une des plus grandes attaques terroristes qui ont frappé le Liban ».[5] D’autre part, en janvier 2017, les services de renseignement sont parvenus à déjouer un attentat suicide que devait commettre Ahmad el-Assir, partisan du cheikh salafiste jihadiste. Quelques mois plus tard, le 19 aout 2017, l’armée libanaise lance une vaste offensive contre les combattants de Daech, l’opération l’Aube du Jouroud, afin d’expulser les jihadistes de l’EI installés dans la région de Qaa et Ras Baalbeck, deux villages chrétiens situés au nord de la Békaa.

Il me semble dorénavant important de noter que depuis l’attentat manqué contre un responsable du parti islamiste palestinien Hamas à Saïda en janvier 2018, le Liban n’a plus connu d’attentat-suicide sur son territoire. Le 7 juin, le commandant en chef de l’armée libanaise, Joseph Aoun, assurait même que le pays était plus stable que jamais. De la même manière, Raphaël Lefèvre, chercheur au Canergie Middle East Center à Beyrouth affirme que « La sécurité sécuritaire au Liban est actuellement sous contrôle et ne présente pas de risque immédiat de détérioration ». Il repère, toutefois, des facteurs « qui intensifient le risque d’un dérapage sécuritaire à moyen et