La société internationale face aux enjeux de la crise afghane
Dernière mise à jour : 15 févr. 2022
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Par Noémie Panet, étudiante à l'université Jean-Moulin Lyon III, Junior Analyst LVJ-ADLP

« L’obligation de non-ingérence s’arrête à l’endroit précis où naît le risque de non-assistance ». À travers cette déclaration lors de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe en date du 30 mai 1989, le président français François Mitterrand initie ce qui deviendra, pour la doctrine, un droit d’ingérence à finalité humanitaire, puis une responsabilité de protéger clairement exprimée par les Nations Unies[1].
Le principe de non-ingérence désigne, selon Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, « l’obligation pour tout État de respecter le caractère exclusif des compétences territoriales d’un autre État »[2]. Ce principe constitue le socle même d’un ordre juridique stable, le droit international public contemporain ayant pour principe fondateur l’égalité souveraine entre les États. En effet, cette égalité souveraine résultant de l’article 2§4 de la Charte des Nations Unies adoptée le 26 juin 1945 à San Francisco, assure une souveraineté propre aux entités étatiques, à la fois de manière positive et de manière négative. De manière positive, le droit international public offre à l’État qui accepte de se conformer à ses principes, la possibilité d’exercer certaines compétences discrétionnaires lui permettant d’apprécier sa liberté d’agir. De manière négative au contraire, et afin de protéger l’ordre juridique établi, le droit canalise l’exercice de ce caractère par l’obligation de respecter l’intégrité territoriale des États tiers ainsi que leur exclusivité s’agissant des compétences qu’ils exercent sur leur territoire. Tels sont donc les principes de non-intervention et de non-ingérence qui seront ici à l’étude dans le contexte particulier de l’Afghanistan.
L’Afghanistan est un pays d’Asie du Sud (selon l’Organisation des Nations unies), considéré comme un carrefour de l’Asie centrale et dont l’histoire est particulièrement mouvementée. En effet, depuis 1926 et le Royaume d’Afghanistan d’Amanullah Khan, ce n’est pas moins de huit régimes politico institutionnels qui se sont succédés avec plus ou moins de violence, passant de la République démocratique instituée par les communistes et dépendant de l’Union soviétique, aux Émirats islamiques talibans[3].
La guerre d’Afghanistan ou « guerre contre le terrorisme » selon l’administration américaine du Président Georges W. Bush, oppose à partir d’octobre 2001 les États-Unis appuyés de la contribution militaire de l’Alliance du Nord et d’autres nations occidentales, et le régime taliban. Le casus belli fut le soutien des talibans accordé à l’organisation Al-Qaïda et plus particulièrement à Oussama ben Laden lors de la réalisation des attentats majeurs du 11 septembre 2001 ayant frappé le sol américain. À l’issue d’une guerre épuisante et couteuse de vingt et un ans, l’accord de Doha est signé le 29 février 2020. Ce traité de paix approuvé à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, a pour objet le retrait de l’entièreté des troupes américaines et de l’OTAN du pays, avec comme contrepartie l’engagement taliban d’empêcher Al-Qaïda d’opérer dans les zones sous leur contrôle, ainsi que de mettre en place des pourparlers avec le gouvernement afghan alors en place. Cependant, s’agissant du second engagement, l’offensive militaire des talibans qui débuta le 1er mai 2021 à la suite du retrait effectif des forces internationales, leur permis de prendre le pouvoir du territoire afghan district après district, avant d’arriver à Kaboul, la capital, le 15 août de la même année. Cette victoire talibane est qualifiée par les chefs du Pentagone « d’échec stratégique », résultant de certaines erreurs de jugement reconnues par le ministre de la Défense américain Lloyd Austin[4].
Le nouvel Émirat islamique en place dans le pays ne cesse d’inquiéter la société internationale en raison de sa négligence s’agissant des droits fondamentaux à tous les niveaux, mais également de la crise socioéconomique déjà présente en raison de la guerre, et qui ne cesse de s’accroitre par la gelée des fonds provenant tant de la banque centrale afghane sous contrôle américain que du FMI, en raison de la carence de garanties du nouveau gouvernement en place.