La présence Française au Liban
Dernière mise à jour : 23 mars
Aujourd’hui, les vecteurs les plus visibles de la présence française au Liban sont ses militaires, présents dans le pays au travers de l’opération Daman, qui fait partie prenante de la Force d’Interposition des Nations Unies au Liban (FINUL). Mais cette opération, qui rassemble environ 700 militaires, n’est que le reliquat le plus visible de la présence française au Liban, une présence qui remonte aux origines même du pays. À bien des égards, il est même possible d’avancer qu’il s’agit là de la présence française la moins forte.
En effet, sans pour autant dire que la France a créé le Liban, son action n’en est pas moins à l’origine du début d’autonomie donnée à la province ottomane du Mont Liban, puis l’indépendance du Grand Liban. Formellement protectrice des chrétiens d’Orient à compter de François Ier et du régime des capitulations, la France joue son rôle avec l’intervention en 1860 de Napoléon III, qui fait débarquer une force française pour protéger les chrétiens libanais et syriens des Druzes [Sfeir, 2015]. Ceci, puis l’administration française des mandats libano-syriens, furent le véritable début d’une longue proximité politique, mais aussi culturelle, entre la France et le Liban, qui subsiste encore aujourd’hui. L’importance donnée à la visite d’Emmanuel Macron, à la suite de l’explosion du port de Beyrouth de 2020, le montre.
Cependant, on remarque que, si chaque événement libanais tend à impacter la France, l’influence de cette dernière n’en est pas moins déclinante. Cet article s’attachera donc à détailler par quels moyens la France est présente au Liban, mais également quelles sont les résonnances de ces vecteurs.
Pour commencer, nous traiterons de la puissance culturelle de la France au Liban (I), puis nous étudierons la présence militaire (II). Enfin, nous conclurons sur l’influence politique (III).
I/ Une présence culturelle moins affirmée :
La présence culturelle de la France s’appuya d’abord sur la religion et la communauté d'esprit qu'elle créée. Ainsi, pour paraphraser notre introduction, les premiers liens véritables qui se créèrent entre la France et le Liban avaient pour base la protection des chrétiens locaux. Par la suite, à la suite de modifications sociales en profondeur de part et d’autre, la présence et l’influence culturelle ont dû se renouveler pour se maintenir, usant notamment de la langue et de l’éducation.
La religion, au travers du christianisme, fut l’élément déclencheur dans la relation spéciale qu’entretiennent la France et le Liban. Saint Louis, au travers de sa rencontre avec les maronites, est souvent perçu comme le fondateur de ces liens. Par la suite, François Ier, au travers des « capitulations » accordées par le sultan Soliman le Magnifique, devient protecteur des chrétiens européens se trouvant sur le territoire ottoman. Ensuite, par effet de contamination, cette protection sera étendue à l’ensemble des chrétiens, même s’ils sont sujets ottomans [Vermeren, 2016]. Ces capitulations serviront ainsi de base légale à l’intervention de Napoléon III en 1860.
Si, encore aujourd’hui, ce rôle de la France en tant que protectrice des chrétiens d’Orient trouve un écho favorable auprès de l’opinion publique française [Heyberger, 2018], il n’en demeure pas moins que, en tant que base des relations et de l’influence française au Liban, il a fait son temps. Tant en France qu’au Liban, la place de la religion chrétienne est en déclin. Du fait d’une laïcisation de la première, mais également d’une perte du poids démographique de la communauté chrétienne chez le second. Il a donc fallu trouver de nouvelles bases pour maintenir cette influence. Celle-ci s’est centrée autour de deux points fondamentalement interdépendants : l’éducation et la francophonie. Concernant le premier point, il est constitutif de noter qu’en 2013, il y avait trente-neuf établissements homologués par le ministère français de l’éducation, accueillant alors cinquante-cinq mille élèves [Lechevallier, 2013]. Ensuite, les liens culturels anciens ont contribué, et continuent, de faire du français le symbole de cette relation spéciale franco-libanaise [Makki, 2007].
Mais cette influence culturelle française fait face à deux adversaires. D’abord, la concurrence de la langue anglaise, qui bénéficie du prestige incommensurable d’être la lingua franca internationale, la langue qui est un tant soit peu intelligible à la majorité de la population mondiale [Montenay, 2011]. Si, en l’état actuel des choses, il ne semble pas y avoir de réelle concurrence entre le français et l’anglais au Liban, il n’en demeure pas moins que le risque de l’effondrement de la pratique du français demeure, notamment au vu du fait que cette langue est de plus en plus pratiquée en tant que langue vernaculaire, et de moins en moins d’une langue véhiculaire [Angles, 2011]. Ensuite, une forme de méfiance de la part de certains Libanais, essentiellement, mais pas uniquement des musulmans, qui voient dans le français la continuation de la domination coloniale occidentale [Makki, 2007]. De ce fait, le français reste une langue minoritaire au Liban. Si elle est parlée par 38 % de la population libanaise [Organisation Internationale de la Francophonie, 2023], il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une langue qui semble de plus en plus vouée au déclin. Avec elle disparaîtrait tout un pilier de l’influence et de la présence française au Liban.
II/ Une présence militaire restreinte, mais réelle :
La présence militaire française a connu au Liban deux grandes formes. La première fut celle d’une présence protectorale, destinée prioritairement à assurer le maintien de l’ordre français. La seconde, bien moins violente, fut celle des missions de l’ONU envoyée pour permettre une reconstruction pacifique d