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La démocratie l’emportera-t-elle sur la junte militaire au Myanmar ?

Le 1er février 2021 marque le basculement du Myanmar (Birmanie) dans une nouvelle période autoritaire, suite au coup d’État orchestré par le Chef d’État-major Min Aung Hlaing. Si le schéma semble familier ; le pays ayant été sous le joug de plusieurs juntes militaires depuis 1962 et n’ayant entamé un processus de démocratisation que depuis une dizaine d’année ; la Tatmadaw (armée nationale) se heurte cette fois à une très importante résistance de la population.


Le coup d’État du 1er Février : un retour en arrière suscitant la colère de la population


Le coup d’État militaire du 1er Février ; jour où l’assemblée législative devait former un gouvernement suite aux élections de novembre 2020 ; a commencé par l’arrestation des dirigeants du pays : la Conseillère État Aung San Suu Kyi, icône nationale de la démocratie ; et le président Win Myint. L’assignation à domicile des députés et la loi martiale ont ensuite été décrétés, ainsi qu’un gouvernement d’exception, le SAC (State Administration Council), institué[1] ; mettant ainsi fin au partage du pouvoir entre civils et militaires fondé par la Constitution de 2008[2].

Cette prise de pouvoir par l’armée s’explique par les résultats des élections législatives, tenues 3 mois plus tôt. En effet, sur les 1 117 sièges à pourvoir, 920 ont été remportés par la Ligue Nationale pour la démocratie (LND) et seulement 71 par le Parti de la solidarité et du développement de l’Union (PSDU), fondé par les militaires[3]. Ces derniers, se sentant menacés, ont fait le choix de rompre avec la transition démocratique et de recourir à la force pour réaffirmer leur contrôle du pays[4]. On observe cependant une tentative de légitimation légale du coup d’État par les militaires, qui invoquent une fraude massive du LND aux élections, constituant une violation de la Constitution. Mais l’illusion ne prend pas, et les véritables objectifs de l’armée transparaissent de manière flagrante, notamment à l’occasion du procès d’Aung San Suu Kyi, ouvert le 14 juin 2021. L’ex-dirigeante fait l’objet d’une accumulation d’accusations[5], visant à l’enfermée de manière permanente pour l’écarter du pouvoir, via un procès dont les conditions laissent sceptique quant à un traitement juste et équitable[6].

Car si ces dernières années le Myanmar a connu une certaine libéralisation et démocratisation, c’est bien parce que la Tatmadaw y avait consenti ; tout en mettant en place des garde-fous pour préserver ses intérêts. La Constitution de 2008, rédigée par les militaires, prévoit que les trois ministères régaliens de la défense, de l’intérieur et des frontières soient dévolus à l’armée et une minorité de blocage au parlement lui est également garantie, puisque 25% des sièges sont réservés aux militaires. De plus, l’armée ne dépend pas directement du gouvernement civil, mais du commandement en chef des forces armées[7].

Cependant, malgré ses efforts, la Tatmadaw semble impuissante face au bouleversements sociaux et économiques induits par le processus de démocratisation[8] ; auquel la population du Myanmar n’est pas prête à renoncer, manifestant même son désir de plus en plus prégnant de l’achever.


En effet, les événements du 1er février ont rapidement déclenché d’importantes manifestations populaires à travers le pays. Un mouvement de désobéissance civile, d’ampleur inédite et transcendant les classes sociales, s’est organisé via les réseaux sociaux[9] suite à l’appel diffusé par Mme Suu Kyi avant d’être mise en résidence surveillée[10]. Les travailleurs ont stoppé leurs activités, paralysant le pays et notamment les services essentiels tels que les hôpitaux.