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L’ARCTIQUE : UN NOUVEL ESPACE DE TENSIONS ?

Le 19 avril 2021 dans le cadre d’un discours sur le rôle des États-Unis en matière de climat, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a dénoncé les activités de la Russie en Arctique qui, couplées aux possibilités offertes par le changement climatique, favorisent la création d’un « nouveau théâtre de conflits »[1]. Cette interlocution met en exergue les intérêts croissants de nombreux acteurs internationaux et notamment des États riverains de l’Océan Arctique (Russie, États-Unis, Canada, Norvège et Danemark) dans la région arctique. Celle-ci comprend le Pôle Nord, l’océan glacial arctique et les territoires situés au nord du cercle polaire (c’est-à-dire le 66ème parallèle). En effet, cette région est au cœur d’intérêts économiques et stratégiques l'établissant comme l’objet de toutes les convoitises. Ces intérêts sont susceptibles de menacer la coopération établie entre les acteurs de la région alors que l'Arctique est souvent considérée comme à l’abri des tensions internationales. De plus, l’Arctique fait face à un défi majeur qui est celui du réchauffement climatique, menaçant son écosystème et son rôle régulateur du climat sur l’ensemble de la Terre, mais offrant de nouvelles possibilités de développement avec la fonte des glaces. Il s'agit donc d'évaluer la propension de cette région qui est au cœur d'enjeux d'appropriations à devenir un nouveau théâtre de tensions.





Un cadre légal et une gouvernance favorisant la coopération


La principale structure de gouvernance régionale en Arctique est le Conseil Arctique, crée en 1996 et comprenant les 8 États de la région Arctique, ainsi que des représentants de populations autochtones. C’est une organisation conçue pour la coopération et le dialogue, principalement orientée vers les questions environnementales. En effet, elle y a délibérément exclu les questions de sécurité, afin de faciliter la bonne-entente des partis. Les questions d’appropriations sont donc omises et hors de sa portée. En 2008, sous l'impulsion de l'ex-ministre des Affaires étrangères du Danemark, les cinq États riverains de l’océan arctique ont signé la déclaration d’Ilulissat, au Groenland, dans laquelle ils déclarent leur volonté de résoudre de manière pacifique les conflits arctiques.

Ainsi, le cadre de la gouvernance dans la région apparaît comme étant garant de la coopération entre les pays arctiques afin d’y empêcher les tensions. Cependant, des intérêts économiques et stratégiques accrus mettent en péril cette vision de l’Arctique, en proie à des jeux de puissance.


Des intérêts économiques en Arctique


Avec le changement climatique, la zone arctique est devenue un lieu stratégique en termes d’hydrocarbures et du développement de la route maritime du Nord, créant une compétition pour le contrôle de ses richesses. En effet, par exemple la Russie investit largement dans la zone arctique qui représente 11% du PIB russe et 22% de ses exportations[2].

L’Arctique constitue un important réservoir de ressources naturelles non exploitées ou non-découvertes et de pêche. Ceci est en lien direct avec le réchauffement climatique, puisque ce dernier favorise l’accès des ressources offshore avec la fonte des glaces. 13% des réserves mondiales de pétrole et 30% des réserves mondiales en gaz naturel encore non découvertes pourraient s’y trouver[3]. La Russie en particulier investit dans ce secteur, voulant assurer le développement futur du pays, pour compenser une prochaine baisse de la production des gisements actuellement exploités. La Russie a notamment réussi son pari avec Yamal LNG, qui a une capacité de production annuelle de 16,5 millions de tonnes de gaz naturel