50ème Session du Conseil des Droits de l’Homme aux Nations Unies à Genève
Photo: Denis Balibouse / Reuters via Le Monde
Le lundi 13 juin 2022 marquait l’ouverture de la 50ème session du Conseil des Droits de l’Homme lors duquel sa Haute Commissaire, Michelle Bachelet, devait présenter son rapport annuel, mener un dialogue au sujet de son rapport à propos du rôle de l’Etat dans la lutte contre les pandémies et pour revenir sur les plus grosses atteintes aux droits de l’homme de cette année [1]. Cet événement est toutefois resté surplombé par la visite du 23 au 28 mai 2022 de Mme. Bachelet en Chine, visite qui, pour respecter le protocole de quarantaine COVID-19,s’est déroulée d’abord par des réunions virtuelles et par la suite par un déplacement - contrôlé - dans la région autonome Ouïghoure du Xinjiang [2]. La 50ème session du Conseil des Droits de l’Homme va évoquer plusieurs sujets clés au long de ses 4 semaines de conférence; l'Erythrée, la Palestine, Israël, le Myanmar, l’Afghanistan et les violences et discriminations faites aux femmes. Il y aura plusieurs discussions organisées concernant les pratiques de bonne gouvernance surtout vis-à-vis de la période pré et post pandémique COVID-19,suivi d’échanges avec les Rapporteurs Spéciaux concernant les exécutions et détentions arbitraires ou extrajudiciaires. Des opportunités pour que le Working Groups travaillant sur les discriminations sexistes et celui des droits de l’homme et des entreprises transnationales puissent présenter leurs résultats sont prévus. Par la suite, le Conseil organisera des discussions avec plusieurs Rapporteurs Spéciaux afin de leur laisser une chance d’expliquer leurs rapports; celui de la situation au Burundi, de la République Arabe Syrienne, du Myanmar, du Vénézuela et de l’Ethiopie [3]. Deux panels de discussion sont aussi prévus pour dialoguer sur les sujet suivants ; analyser comment le réchauffement climatique affecte les violences à l'égard des femmes et des filles sous l'angle des droits de l'homme et la coopération technique sur la participation pleine et effective des femmes à la prise de décision et à la vie publique et sur l'élimination de la violence, en vue de parvenir à l'égalité des sexes et à l'autonomisation de toutes les femmes et filles [4]. Au cours de la première journée de la 50ème session du Conseil des Droits de l’Homme, Michelle Bachelet a commencé par évoquer l’importance de 3 éléments principaux: l'alimentation, la crise énergétique et la lutte contre la pauvreté. Elle a stressé l’utilité du programme alimentaire mondial puisque cette année nous allons passer de 276 millions à 323 millions d’humains concernés par la pauvreté. Pour assurer la défense des droits de l’homme, la Haute Commissaire a mis le point sur l’importance de mesures immédiates pour faire face aux conséquences, investir pour faire face à ces problèmes, se réunir en débat de haut niveau avec des donateurs, éviter les conséquences de l'austérité comme après la crise financière de 2008 et à lancer un appel pour les droits de l’homme de manière multilatérale en exploitant les réseaux Onusiens.
Il faut lutter contre les problèmes d'inégalité qui ne cessent de se creuser, empirés par le rapport de la Banque Mondiale indiquant que 198 millions de personnes vivront dans des situations d'extrême pauvreté à cause du COVID 19. Une formation 'droits de l’homme’ et lutte contre les inégalités a été ainsi donnée à plusieurs pays et personnel des Nations Unies, et un protocole d'enquête contre les féminicides au Chili et au Honduras a été ouvert. Michelle Bachelet a rappelé que 4 milliards d’humains n'ont pas accès à la protection sociale et qu’il faut ainsi investir dans des systèmes de protection sociale qui permettent le développement des droits de l’homme, d'éviter des crises et d’éviter l'impact de la pauvreté sur la population mondiale. La Haute Commissaire veut aussi établir un benchmark pour que les gouvernements puissent s'en inspirer et les mettre en place à échelle nationale et encourager la solidarité internationale sur le plan financier pour atteindre les Sustainable Development Goals. Malgré les critiques par plusieurs Etats et ONG internationales mettant en valeur le risque d’une visite orchestrée et manipulée par le Parti Communiste Chinois pour leur propagande pour leurs méthodes d'anti-extrémisme et de déradicalisation [5][6], la Haute Commissaire a préféré considérer ce déplacement comme une opportunité pour échanger directement avec les autorités chinoises sur un sujet épineux et diplomatiquement sensible. Michelle Bachelet a pourtant décidé de rappeler ce qu’était cette visite; une “opportunité pour échanger avec des membres du gouvernement chinois pour explorer comment avancer via des interactions constructives” et accessoirement “soutenir la Chine pour qu’elle remplisse ses obligations sous le Droit International Humanitaire” [7]. Rappelant que cette visite n’était pas “une enquête de par la nature inhérente d’une visite officielle qui rend impossible le travail discret d’un enquêteur”, Mme. Bachelet n’a pas endossé les responsabilités et obligations qui incombent à une Haute Commissaire des Droits de l’Homme. En tant que défenseur principal international de ces derniers auprès du Conseil, Mme. Bachelet est tenue de promouvoir et protéger la jouissance et la pleine réalisation de tous à tous leurs droits humains et non pas à exprimer son “admiration pour les efforts et les accomplissements de la Chine pour protéger les droits humains” alors même que les experts de l’ONU sur les Droits de l’Homme exprimaient leurs graves préoccupations avec la persécution chinoise au Tibet et au Xinjiang. Le manque de critique ferme à l’égard du gouvernement chinois, en plus de fermer l’œil sur un ‘génocide’, s’est laissée manipuler par la Chine qui, faisant un raisonnement par l’inverse, brandit son communiqué de presse en citant l’absence de critiques de la part de Mme. Bachelet comme étant une preuve irréfutable de l’absence de violations des droits de l’homme sur leur territoire. La préoccupation la plus importante d’après la Haute Commissaire était l’absence d’une “supervision indépendante judiciaire” sur les politiques appliquées à la population Ouïghoure préférant plutôt dresser les conséquences des ‘actes violents extrémistes', une justification propice pour la machine à propagande chinoise [8]. La possibilité d’une visite de Michelle Bachelet avait commencé en 2017 lorsque le Conseil des Droits de l’Homme avait signalé des accusations visant le gouvernement chinois de torture, de viols, de campagnes de stérilisations forcées, de détention provisoire et de labeur forcé à l’encontre de la minorité musulmane Ouïghoure dans le Xinjiang. Le Conseil avait déclaré en 2018 la création d’un rapport d’enquête à ce sujet dont la publication a été repoussée d’année en année jusqu’à ce que la Haute Commissaire indique que le rapport paraîtra avant sa démission le 31 août 2022 pour des ‘raisons personnelles'. La visite en Chine qui avait pour objectif d’être une opportunité de montrer l’efficacité et l’engagement des Nations Unies de garantir le respect des droits de l’homme à travers le monde de manière impartiale devint une opportunité de plus pour la Chine de capitaliser sur des “idiots utiles” et de justifier des atteintes aux libertés fondamentales, un génocide et l’existence d’un complot antichinoise par des mesures de contre-terrorisme.
Le 14 juin 2022, journée prévue pour évoquer la crise au Myanmar lors de la 50ème session du Conseil des Droits de l’Homme, le délégué des Pays-Bas prit la parole au nom de 47 Etats Membres pour appuyer les préoccupations graves concernant les violations des droits de l’homme commises par la Chine, demander à cette dernière d’enquêter et de répondre à ces préoccupations et de mettre fin aux détentions arbitraires de minorités Ouïghours. La réponse de l’ambassadeur de Chine, Chen Xu fut immédiate; il condamna cette déclaration pour mensonges et rumeurs n’ayant pour but d’attaquer la Chine et insistant sur le fait que la visite de la Haute Commissaire aurait “développé sa compréhension de la direction positive de la Chine en ce qui concerne les droits de l’homme sur leur territoire. Il rappela aussi que le rapport violait le mandat de Michelle Bachelet et qu’il était ainsi préférable qu’il ne soit pas publié du tout.